J’ai l’intention de continuer ma route vers l’un des villages kurdes construit en terrasse de la région. Je range ma tente et traverse Sanandaj où jeunes et moins jeunes prennent des selfies en ma compagnie. J’essaie de faire du stop dans l’intention de me rendre à Uraman, à 4h de route, mais les locaux ne comprennent absolument pas le concept et veulent tous m’amener à la station de bus. Je ne parle pas assez kurde ou farsi pour leur expliquer la démarche donc j’abandonne et me rend à une station de taxis partagés. Hélas, la seule option disponible est le taxi privé, 50$ par trajet. Pendant que je réfléchi à une alternative, une jeune et jolie kurde vient à mon aide et me propose de prendre le bus pour Marivan et de me rendre à Uraman le lendemain après une nuit dans sa famille. Elle parle anglais de même qu’un autre étudiant rentrant chez ses parents pour le week-end. Arrivés à Marivan, sa soeur vient nous chercher en voiture pour nous conduire dans sa famille. Le père, prof de math, porte un pantalon kurde (sorte de baggie) et arbore une fière moustache, comme la plupart des hommes de la région. La mère et les filles gardent leur hijab en ma présence (sauf quand le père sort de la pièce...). Je serai accueilli avec un bon repas (poulet, riz, légumes et soupe typique de la région) et nous mangeons par terre sur une sorte de nappe en plastique. Après le repas, nous irons au lac Zarivar, le plus grand lac d’eau douce du monde selon les locaux (j’ai cessé de les convaincre du contraire au bout du deuxième). Par chance, il y a justement un grand festival de danse (kurde, azeri, kazakh, etc.) sur les rives du lac. Pour un étranger comme moi, le spectacle n’est pas la danse, mais le public. Certains hommes portent la tenue typique kurde complète alors que des femmes portent de belles robes colorées ou dorées et brillantes (bien plus élégant que l’affreux chador noir). Nous louons un pédalo pour faire un petit tour sur ce lac coupé des rives par de grandes étendues de roseaux avant d’aller profiter de l’ambiance du festival et discuter avec les quelques "fêtards” qui parlent un peu anglais. En fin de soirée, nous retournons dans la famille pour manger. La mère a acheté une tête, 4 pieds et un estomac de mouton que nous mangerons tous ensemble sur la fameuse nappe en plastique. Pour les pieds, j’avais déjà donné il y a 2 ans donc je n’y ai pas touchés mais la tête, la cervelle et l’estomac étaient très bons (j’ai cependant laissé les yeux au père). Comme la plupart des kurdes que j’ai rencontrés, ils ont une joie de vivre exceptionnelle alors que tout n’est pas rose comme me l’a raconté l’une des filles. Il y a non seulement les problèmes liés au gouvernement iranien (très peu de débouchée pour les jeunes, peu de liberté, etc.) mais aussi aux traditions kurdes, plutôt conservatrices par rapport aux perses. Je passe la soirée à discuter avec les deux filles, qui profitent que leurs parents ne parlent pas anglais pour me raconter leurs rêves, leurs difficultées, mais aussi leur chance d’être dans une famille ouverte et pas trop conservatrice (pour le Kurdistan). Je vais me coucher alors que la mère et l’une des filles font la prière du soir à tour de rôle, juste à côté de moi. Leurs murmures m’envoyent rapidement dans les bras de Morphée.