Après une très courte nuit, nous prenons le bus pour déposer une partie des touristes à la gare alors que six d’entres-nous continuent pour l’aéroport. L’aéroport est tout neuf mais il n’y a que deux vols aujourd’hui, l’un pour Beijing l’autre pour Shenyang. Nous saluons nos guides puis passons la douane. Pas de question, pas de fouille, pas de contrôle des photos, on passe rapidement dans le hall d’embarquement. En attendant le boarding, je fais un petit tour des boutiques: une librairie avec des livres sur les Kim, un duty free avec des cigarettes et de l’alcool et des boutiques souvenirs avec des magazines sur les Kim, des timbres à l’effigie des Kim, des cartes postales, des t-shirts. Je m’installe dans un petit salon pour y boire un Coca-Cola entouré de haut gradés fumant clope sur clope avec un espresso de marque italienne. Vers midi, nous embarquons dans un Antonov 148 de la compagnie nationale Air Koryo. Même dans les airs, on doit supporter des chants de propagande interrompus uniquement lorsque l’équipage nous parle du Grand Kim Il Sung. Je quitte la Corée du Nord, le pays le plus étrange de ce voyage, bien plus encore que le Turkmenistan. Comme les endroits que nous avons visité sont choisis par l’agence de tourisme étatique, c’est bien sûr les trajets d’un site à l’autre qui sont les plus intéressants. On n’y voit la vie de tous les jours, qui semble d’un ennui dépassant tout ce que je pouvais imaginer. Pour quelqu’un de ma génération, qui n’a pas vu l’URSS, c’est extrêmement enrichissant de passer quelques jours dans ce qu’il reste de ce système foireux. Bien que Pyongyang soit privilégiée, je me fais une idée de l’enfer que doit être la vie sous un régime stalinien. Après quatre jours je n’en peux plus d’entendre des chants de propagande toute la journée, parfois même diffusé par des camions. On a l’impression que ce n’est pas réel tant c’est grotesque.
J’arrive à Shenyang mais la douane pose quelque peu problème. On commence par vouloir me mettre en quarantaine parce que j’ai de la fièvre puis les douaniers m’expliquent que je ne peux pas faire d’escale de plus de 24 heures en Chine sans visa et que Air Koryo devait les avertir de mon arrivée (ils ont le monopole donc le service client n’est pas une priorité). Comme ils ne peuvent pas me renvoyer à Pyongyang, ils s’arrangeront néanmoins en passant une vingtaine d’appels à leurs supérieurs, à l’agence de voyage pour la Corée, à mon auberge. Traqué depuis mon entrée en Chine, je les entends dire toutes les villes où je suis passé depuis Urumqi. Après plus de deux heures, je reçois finalement une autorisation temporaire de trois jours mais j’ai l’interdiction de quitter la ville. Je vais fêter mon retour au capitalisme en mangeant au McDonald's de l’aéroport puis prend le tram et le métro pour mon auberge. La nuit tombée, le patron m’explique qu’ils n’ont pas pu m’enregistrer car je n’ai pas de visa… Il m'emmène néanmoins en voiture dans une autre auberge où j’aurai enfin régler mon problème d’immigration. Je tomberai en pleine fête d'Halloween et commande une bière avant de faire connaissance avec un russe travaillant à Shenyang. Nous irons manger dans le quartier et boire quelques bières.